« Allée sonore », 2000, 450x150x300 cm. (Cuivre, pin, acajou, inox, son, électronique).

CEAAC – bourse de la Région Alsace, 2000

Elevée à l’échelle du corps humain, cette allée de cuivre produit des harmoniques suivant le déplacement du corps dans l’espace. Le son se propage comme un écho à travers cet instrument de musique suspendu, qui vibre au contact des pas et du corps.

C’est probablement le terme de dispositifs qui convient le mieux pour désigner les pièces conçues et réalisées par Marion Galut avec une exigeante perfection artisanale et une élégante économie de moyens. Alors qu’en effet le bois, le verre, l’inox et le cuivre, jouent un r ôle discret mais fonctionnellement vital dans l’architecture et l’équipement technique des lieux de vie, ces mêmes matériaux, agencés par Marion Galut selon diverses configurations d’une grande simplicité géométrique, constituent l’essentiel de ce que ces dispositifs, sans fonction ou signification immédiatement perceptible, laissent voir au premier regard.
Mais réuni – comme c’est le cas ici – dans un même lieu, cet ensemble de pièces, pour la plupart d’entre elles suspendues à une hauteur constante au dessus du sol, invite l’oeil, une fois qu’il a glissé le long de leurs surfaces lisses, à pénétrer dans les orifices qu’elles portent en leurs centres, à parcourir les cheminements qu’elles proposent aux pas du visiteur. Et c’est alors que celui-ci devient simultanément l’observateur et l’objet des expériences insolites mises en forme par ces dispositifs. A la différence de l’Op’Art qui animait ses surfaces en amplifiant par leur dessin la mobilité inconsciente de l’œil, le travail de Marion Galut – dans ses dimensions aussi bien visuelles que sonores – met en jeu plus profondément la division du corps sensible en deux yeux, en deux oreilles, les opérations de synthèse du cerveau et les modifications, les recompositions de l’univers sonore par le mouvement. Chaque œuvre est en effet un micro -espace donnant à éprouver avec une finesse inhabituelle les qualités, les potentialités visuelles ou sonores d’un métal, où la sensibilité se trouve soudainement accrue et où peuvent aussi avoir lieu entre plusieurs personnes des contacts entre deux regards dans une telle proximité qu’ils se libèrent du poids de toute intention pour ne plus partager que l’émerveillement d’une pure visibilité nue, sans corps, sans visage, sans autre objet qu’elle -même. Il semblerait d’ailleurs qu’une certaine tendance à la dématérialisation anime le travail de Marion Galut, depuis ses premières pièces qui sollicitaient une expérience ou un imaginaire tactile, jusqu’à ses oeuvres récentes où le visible se résorbe dans l’immat ériel du regard, et plus particulièrement celles, quelque peu « magiques », dans lesquelles elle articule le visible au sonore par le biais de systèmes plus complexes, mais toujours « activés » par des rapprochements du corps et du métal.

Alors que les techniques industrielles de l’audio -visuel s’efforcent à la reproduction de plus en plus illusionniste d’une réalité extérieure ou « virtuelle », fictive, l’art de Marion Galut propose au contraire des expériences très subtiles de la sensibilité où le corps retrouverait peut -être fugitivement, l’émotion de son ouverture « originelle » par l’œil et l’oreille sur un monde où ne se discerneraient encore que la présence du regard et le chant de la matière…
Paul Guérin, CEAAC.